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LA RÉVOLUTION


« aurait contre eux au moins les dix-neuf vingtièmes » des voix[1], et, de fait, telle est à peu près la proportion des électeurs qui, par effroi ou dégoût, n’ont pas voté et ne votent plus. — Que la gauche ou la droite de la Convention soit victorieuse ou vaincue, c’est l’affaire de la droite ou de la gauche ; le grand public n’entre point dans les débats de ses conquérants et ne se dérangera pas plus pour la Gironde que pour la Montagne. Ses anciens griefs lui reviennent toujours « contre les Vergniaud, les Guadet » et consorts[2] ; il ne les aime point, il n’a pas confiance en eux, il les laissera écraser sans leur porter aide. Libre aux enragés d’expulser les trente-deux, puis de les mettre sous les verrous. « L’aristocratie (entendez par là les propriétaires, les négociants, les banquiers, la bourgeoisie riche ou aisée) ne souhaite rien tant que de les voir guillotinés[3]. » — « L’aristocratie même subalterne (entendez par là les petits boutiquiers et les ouvriers maîtres) ne s’intéresse pas plus à leur sort que s’ils étaient des bêtes fauves échappées… et qu’on réencage[4]. » — « Guadet, Pétion, Brissot ne trouveraient pas à Paris trente

  1. Schmidt, I, 217 (Dutard, 13 mai).
  2. Ib., I, 163 (Dutard, 30 avril).
  3. Ib., II, 37 (Dutard, 13 juin). — Cf. ib., II, 80 (Dutard, 21 juin) : « Si l’on mettait à l’appel nominal si les trente-deux doivent être guillotinés et que ce fût à scrutin fermé, je vous déclare que les gens comme il faut accourraient de toutes les campagnes voisines pour donner leur vœu, et qu’aucun de ceux qui sont à Paris ne manquerait de se rendre à sa section. »
  4. Ib., II, 35 (Dutard, 13 juin). — Pour le sens de ce mot aristocratie subalterne, voyez tous les rapports de Dutard et des autres observateurs employés par Garat.