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LA RÉVOLUTION

Eustache à autoriser une autre procession, et cette fois encore chacun s’agenouille : « tout le monde approuvait la cérémonie, et aucun, que j’aie entendu, ne la désapprouvait. C’est un tableau bien frappant que celui-là… J’y ai vu le repentir, j’y ai vu le parallèle que chacun fait forcément de l’état actuel des choses avec celui d’autrefois ; j’y ai vu la privation qu’éprouvait le peuple par la perte d’une cérémonie qui fut jadis la plus belle de l’Église. Le peuple de tous les rangs, de tous les âges, est resté honteux, abattu, et quelques personnes avaient les larmes aux yeux. « Or, sur cet article, les Girondins, en leur qualité de philosophes, sont plus iconoclastes, plus intolérants que personne[1], et il n’y a pas de raison pour les préférer à leurs adversaires. Au fond, pour le très grand nombre

  1. Durand de Maillane, 100 : « Le parti girondin était encore plus impie que Robespierre. » — Un député ayant demandé que dans le préambule de la Constitution on fît mention de l’Être suprême, Vergniaud lui répond : « Nous n’avons que faire de la nymphe de Numa, non plus que du pigeon de Mahomet ; la raison seule nous suffit pour donner à la France la plus sage Constitution. » — Buchez et Roux. XIII, 444. Robespierre ayant parlé de la mort de l’empereur Léopold comme d’un coup de la Providence, Guadet répond qu’il ne voit « aucun sens à cette idée », et blâme Robespierre « de concourir à remettre le peuple sous l’esclavage de la superstition ». — Ib., XXVI, 63 (séance du 19 avril 1793). Discours de Vergniaud contre l’article 9 de la Déclaration des Droits qui pose que « tout homme est libre dans l’exercice de son culte ». — « Cet article, dit Vergniaud, est un résultat du despotisme et de la superstition sous lesquels nous avons si longtemps gémi. » — Salle : « J’engage la Convention à rédiger un article par lequel tout citoyen s’engagera, quel que soit son culte, à se soumettre à la loi. » — Lanjuinais, que l’on range souvent parmi les Girondins, est catholique et gallican convaincu.