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LA RÉVOLUTION


« gneur de La Fayette ! au f… la nation ! » Naturellement aussi, il a failli être écharpé, on l’a vite emmené à la Conciergerie, il a été condamné sur-le-champ, et on l’a guillotiné au plus vite comme promoteur d’une sédition qui se rattachait à la conspiration du 10 août. — Ainsi la conspiration dure encore ; le tribunal le déclare et il ne le déclare pas sans preuves. Certainement Jean Julien a fait des aveux : qu’à-t-il révélé ? — Et le lendemain, comme une moisson de champignons vénéneux poussés en une seule nuit, le même conte a pris racine dans toutes les cervelles. « Jean Julien a dit que toutes les prisons de Paris pensaient comme lui, que sous peu on verrait beau jeu, qu’ils avaient des armes, et qu’on les lâcherait dans la ville quand les volontaires seraient partis[1]. « Dans les rues on ne rencontre que figures anxieuses : « L’un d’eux dit que Verdun a été livré comme Longwy ; d’autres, hochant la tête, répondent que ce sont les traîtres dans l’intérieur de Paris qu’il faut craindre, et non les ennemis déclarés sur la frontière[2]. » Le jour suivant, le roman s’amplifie : « Il y a des chefs et des troupes royalistes cachés dans Paris et aux environs ; ils vont ouvrir les prisons, armer les prisonniers, délivrer le roi et sa famille, mettre à mort les patriotes de Paris, les femmes et les enfants de ceux qui sont à l’armée… N’est-il pas naturel à des hommes de pourvoir à la sûreté de leurs enfants et de leurs femmes, et d’employer le seul

  1. Rétif de la Bretonne, les Nuits de Paris ; XIe nuit, 372.
  2. Moore, 2 septembre.