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LA RÉVOLUTION


mes ne peuvent souffrir à demeure la dictature inepte et grossière de la canaille armée. Pour remplir le trésor public, ils veulent des impôts réguliers, et non des confiscations arbitraires[1]. Pour réprimer les malveillants, ils demandent « des punitions, et non des proscriptions[2] ». Pour juger les crimes d’État, ils repoussent les tribunaux d’exception et s’efforcent de maintenir aux accusés quelques-unes des garanties ordinaires[3]. S’ils déclarent le roi coupable, ils hésitent à prononcer la mort, et tâchent d’alléger leur responsabilité par l’appel au peuple. « Des lois, et non du sang », ce mot prononcé avec éclat dans une comédie du temps, est l’abrégé de leur pensée politique. — Or, par essence, la loi, surtout la loi républicaine, est générale ; une fois édictée, personne, ni citoyen, ni cité, ni parti, ne peut sans crime lui refuser obéissance, Il est monstrueux qu’une ville s’arroge le privilège de gouverner la nation ; Paris, comme les autres départements, doit être réduit à son quatre-vingt-troisième d’influence. Il est monstrueux que, dans une capitale de 700 000 âmes, cinq ou six mille Jacobins extrêmes oppriment les sections et fassent seuls les élections ; dans les sections et aux élections, tous les citoyens, ou du moins tous les républicains doivent avoir un vote égal et libre. Il est monstrueux que le principe

  1. Buchez et Roux, XXVI, 117. Plan financier présenté par le département de l’Hérault, adopté par Cambon, repoussé par les Girondins.
  2. Ib., XXV, 376, 378. Discours de Vergniaud (10 avril) : « On cherche à consommer la révolution par la terreur : j’aurais voulu la consommer par l’amour. »
  3. Meillan, 22.