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LA RÉVOLUTION


stitutionnelles. Dans l’Hérault, elle annule les élections du canton de Servian, parce que les élus, dit-elle, sont « d’enragés aristocrates ». Dans l’Orne, elle chasse un ancien constituant, Goupil de Préfeln, parce qu’il a voté la revision, et son gendre, parce qu’il est son gendre. Dans les Bouches-du-Rhône, où le canton de Seignon a, par mégarde ou routine, juré « de maintenir la Constitution du royaume », elle casse ses élus rétrogrades, institue des poursuites contre « l’attentat commis », et envoie des troupes contre Noves, parce que l’électeur de Noves, un juge de paix dénoncé et en danger, s’est sauvé de la caverne électorale. — Après l’épuration des personnes, elle procède à l’épuration des sentiments. À Paris et dans neuf départements au moins[1], au mépris de la loi, elle supprime le scrutin secret, refuge suprême des modérés timides, et impose à chaque électeur le vote public à haute voix, sur appel nominal, c’est-à-dire, s’il vote mal, la perspective de la lanterne[2]. Rien de plus efficace pour tourner dans le

  1. Mortimer-Ternaux, IV, 52. — Archives nationales, CII, 1 à 32. Procès-verbal de l’assemblée électorale des Bouches-du-Rhône, discours de Pierre Baille, 3 septembre : « Celui-là n’est pas libre qui cherche à cacher sa conscience à l’ombre d’un scrutin. Les Romains nommaient leurs tribuns à haute voix… Quel est celui d’entre nous qui voudrait rejeter une mesure aussi salutaire ? Les tribunes de l’Assemblée nationale ont autant fait en faveur de la révolution que les baïonnettes des patriotes. » — Dans Seine-et-Marne, l’assemblée avait d’abord opté pour le scrutin secret ; sur l’invitation des commissaires parisiens, Ronsin et Lacroix, elle rapporte son premier arrêté et s’impose le vote à haute voix par appel nominal.
  2. Barbaroux, Mémoires, 379 : « Un jour qu’on procédait aux élections, des cris tumultueux se font entendre : « C’est un