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LA RÉVOLUTION


ose user de son droit de vote[1]. On a tant épuisé, bouleversé et bouché la source électorale qu’elle est presque tarie : dans ces assemblées primaires qui, directement ou indirectement, délèguent tous les pouvoirs publics et qui, pour exprimer la volonté générale, devraient être pleines, il manque six millions trois cent mille électeurs sur sept millions.

III

Par cette purgation anticipée, les assemblées du premier degré se trouvent pour la plupart jacobines ; en conséquence, les électeurs du second degré qu’elles élisent sont pour la plupart jacobins, et dans nombre de départements leur assemblée devient le plus anarchique, le plus turbulent, le plus usurpateur de tous les clubs. Ce ne sont que cris, dénonciations, serments, motions incendiaires, acclamations qui emportent les suffrages, harangues furieuses des commissaires parisiens, des délégués du club local, des fédérés qui passent, des pois-

  1. Sauzay, III, 45, 46, 221. — Albert Babeau, I, 517. — Lallié, le District de Machecoul, 225. — Cf. ci-dessus l’histoire des élections de Saint-Affrique : sur plus, de 600 électeurs inscrits, le maire et le procureur-syndic sont nommés par 40 voix. — Le plébiscite de septembre 1795 sur la Constitution de l’an III ne réunira que 958 000 votants ; c’est que la répugnance pour le vote dure toujours. « Sur cent fois que j’ai demandé : Citoyen, comment s’est passée l’assemblée électorale de votre canton ? on m’a répondu quatre-vingt-dix fois : « Moi, citoyen ! Qu’asce que j’irions faire là ? Ma fi, l’on bin de la peine à s’entendre. » Ou : « Que-voulez-vous ! On était en bin petit nombre ; les honnêtes gens restions chez eux. » (Meissner, Voyage à Paris, vers la fin de 1795.)