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LA RÉVOLUTION


vingt et un ans ; ce qui appelle au scrutin les deux groupes les plus révolutionnaires, d’une part les jeunes gens, d’autre part les indigents, ceux-ci en nombre prodigieux par ce temps de chômage, de disette et de misère, en tout deux millions et demi et peut-être trois millions de nouveaux électeurs : à Besançon, le nombre des inscrits est doublé[1]. — Ainsi la clientèle ordinaire des Jacobins est admise dans l’enceinte électorale d’où jusqu’ici elle était exclue[2], et, pour l’y pousser plus sûrement, ses patrons font décider que tout électeur obligé de se déplacer « recevra 20 sous par lieue, outre 3 livres par journée de séjour[3] ».

En même temps qu’ils rassemblent leurs partisans, ils écartent leurs adversaires. À cela le brigandage politique par lequel ils dominent et terrifient la France a déjà pourvu. Tant d’arrestations arbitraires, de pillages tolérés et de meurtres impunis sont un avertissement pour les candidats qui ne seraient pas de leur secte ; et

  1. Sauzay, III, 45. De 3200, le nombre des inscrits monte à 7000.
  2. Durand de Maillane, Mémoires, 30 : « Cela fit de tous les prolétaires de la France, qui n’avaient ni biens ni consistance, le parti dominant dans les assemblées électorales… Les divers clubs établis en France (furent) alors maîtres des élections. » Dans les Bouches-du-Rhône, « 400 électeurs de Marseille, dont le dixième n’avait pas le revenu du marc d’argent, maîtrisèrent despotiquement notre assemblée électorale. Ils ne permettaient à personne d’élever la voix contre eux… On n’élut que ceux que désigna Barbaroux. »
  3. Décret du 11-12 août. — Archives nationales, CII, 58 à 76. Procès-verbal de l’assemblée électorale de Saône-et-Loire tenue à Saint-Étienne. Les électeurs de Saint-Étienne demandent à être indemnisés comme les autres, attendu qu’ils donnent leur temps comme les autres. — Accordé.