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LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


agents, coupables d’avoir soutenu l’ordre légal quand il existait et de n’avoir pas reconnu le gouvernement jacobin quand il n’existait pas encore. Qu’on les traduise, non devant les tribunaux ordinaires qui sont suspects puisqu’ils font partie du régime aboli, mais devant un tribunal d’exception, sorte de « chambre ardente[1] » nommée par les sections, c’est-à-dire par la minorité jacobine ; que ces juges improvisés, à conviction faite, décident souverainement et en dernier ressort ; point d’interrogatoire préalable, point d’intervalle entre l’arrêt et l’exécution, point de formes dilatoires et protectrices. Surtout, que l’Assemblée se hâte de rendre le décret : sinon, lui dit un délégué de la Commune[2], « ce soir, à minuit, le tocsin sonnera, la générale battra ; le peuple est las de n’être pas vengé : craignez qu’il ne se fasse justice lui-même ». — Un instant après, nouvelles menaces, et à plus courte échéance : « Si avant deux ou trois heures,… les jurés ne sont pas en état d’agir, de grands malheurs se promèneront sur Paris. »

Installé sur-le-champ, le nouveau tribunal a beau être expéditif et guillotiner en cinq jours trois innocents, on le trouve lent, et, le 23 août, une section vient, en style furieux, déclarer à la Commune que le peuple, « fatigué et indigné » de tant de retards, forcera les

  1. Mot de Brissot dans son rapport sur cette pétition de Robespierre. — Les noms des principaux juges élus sont significatifs : Fouquier-Tinville, Osselin, Coffinhal.
  2. Buchez et Roux, XVII, 91 (17 août).