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LA RÉVOLUTION


dats suisses recueillis dans le bâtiment des Feuillants manquent d’être massacrés ; la populace rassemblée alentour demande leurs têtes[1] ; « on forme le projet de se transporter dans toutes les prisons de Paris pour y enlever tous les prisonniers et en faire une prompte justice ». — Le 12, aux Halles[2], « divers groupes de gens du peuple disent que Pétion est un scélérat ; car il a sauvé les Suisses au Palais Bourbon » ; donc « il faut le pendre aujourd’hui, lui et les Suisses ». — Dans ces esprits renversés, la vérité présente et palpable fait place à son contre-pied : « ce ne sont point eux qui ont attaqué, c’est du château qu’est venu l’ordre de sonner le tocsin ; c’est le château qui a assiégé la nation, et non la nation qui a assiégé le château[3] ». Les vaincus sont « des assassins du peuple » pris en flagrant délit, et, le 14 août, les fédérés viennent demander une cour martiale « pour venger le sang de leurs frères[4] » ; encore est-ce trop peu d’une cour martiale. « Il ne suffit pas de punir les crimes commis dans la journée du 10 août, il faut étendre la vengeance du peuple sur tous les conspirateurs », sur ce La Fayette, « qui n’était peut-être pas à Paris, mais qui aurait pu y être », sur les ministres, généraux, juges et autres

  1. Buchez et Roux, XVII, 31.
  2. Archives nationales, F7, 4426. Lettre des administrateurs de police, 11 août. Déclaration de Delaunay, 12 août.
  3. Buchez et Roux, XVII, 59, séance du 12 août. Discours de Leprieur à la barre.
  4. Ib., XVII, 47. — Mortimer-Ternaux, III, 31. Discours de Robespierre à la barre de l’assemblée, au nom de la Commune, 15 août.