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LES JACOBINS

droits d’autrui, l’énergie d’un fanatique et les expédients d’un scélérat : avec ces deux forces, une minorité peut dompter la majorité. Cela est si vrai, que, dans la faction elle-même, la victoire appartiendra toujours au groupe qui sera le moins nombreux, mais qui aura le plus de foi et le moins de scrupules. À quatre reprises, de 1789 à 1794, les joueurs politiques s’asseyent à une table où le pouvoir suprême est l’enjeu, et quatre fois de suite, Impartiaux, Feuillants, Girondins, Dantonistes, la majorité perd la partie. C’est que, quatre fois de suite, elle veut suivre les conventions du jeu ordinaire, à tout le moins ne pas enfreindre quelque règle universellement admise, ne pas désobéir tout à fait aux enseignements de l’expérience, ou au texte de la loi, ou aux préceptes de l’humanité, ou aux suggestions de la pitié. — Au contraire, la minorité a résolu d’avance qu’à tout prix elle gagnera ; à son avis, c’est son droit ; si les règles s’y opposent, tant pis pour les règles. Au moment décisif, elle met un pistolet sur le front de l’adversaire, et, renversant la table, elle empoche les enjeux.