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LES JACOBINS


« pèsera sur la terre[1]. » — À la première séance de la Convention, Grégoire, ayant fait décréter l’abolition de la royauté, fut comme éperdu à la pensée du bienfait immense qu’il venait de conférer à l’espèce humaine. « J’avoue, dit-il, que, pendant plusieurs jours, l’excès de la joie m’ôta l’appétit et le sommeil. » — « Nous serons un peuple de dieux ! » s’écriait un jour un Jacobin à la tribune. — On devient fou avec de tels rêves ; du moins, on devient malade. « Des hommes ont eu la fièvre pendant vingt-quatre heures, disait un compagnon de Saint-Just ; moi, je l’ai eue pendant douze ans[2] … » Plus tard, « avancés en âge, lorsqu’ils veulent la soumettre à l’analyse, ils ne la comprennent plus ». Un autre raconte que « chez lui, aux moments de crise, la raison n’était séparée de la folie que par l’épaisseur d’un cheveu ». — « Quand Saint-Just et moi, dit Baudot, nous mettions le feu aux batteries de Wissembourg, on nous on savait beaucoup de gré ; eh

  1. Barbaroux, Mémoires (édit. Dauban), 336. — Grégoire, Mémoires, I, 410.
  2. La Révolution française, par Quinet. Textes extraits des Mémoires inédits de Baudot : II, 209 ; 211, 421, 620. — Guillon de Montléon, I, 445. Discours de Châlier au club central de Lyon, 23 mars 1793 : « Les sans-culottes iront verser leur sang, dit-on. « C’est bien là le langage des aristocrates. Est-ce qu’un sans-culotte peut être atteint ? N’est-il pas invulnérable comme les dieux qu’il remplace sur la terre ? » — Discours de David à la Convention sur Barra et Viala : « Sous un gouvernement si beau, la femme enfante sans douleur. » — Mercier, le Nouveau Paris, I, 13 : « J’ai entendu. (un orateur) s’écrier dans une section, et je l’atteste : Oui, je prendrais ma tête par les cheveux, je la couperais, et, l’offrant au despote, je lui dirais : Tyran, voici l’action d’un homme libre ! »


  la révolution. iii.
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