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LA RÉVOLUTION


centralisation, on la prend pour guide parce qu’elle siège dans la capitale. On lui emprunte ses statuts, son règlement, son esprit ; elle devient la société-mère, et toutes les autres sont ses filles adoptives. À cet effet, elle imprime leur liste en tête de son journal, elle publie leurs dénonciations, elle appuie leurs réclamations : désormais, dans la bourgade la plus reculée, tout Jacobin se sent autorisé et soutenu, non seulement par le club local dont il est membre, mais encore par la vaste association dont les rejets multipliés ont envahi tout le territoire et qui couvre le moindre de ses adhérents de sa toute-puissante protection. En échange, chaque club affilié obéit au mot d’ordre qui lui est expédié de Paris, et du centre aux extrémités, comme des extrémités au centre, une correspondance continue entretient le concert établi. Cela fait un vaste engin politique, une machine aux milliers de bras qui opèrent tous à la fois sous une impulsion unique, et la poignée qui les met en branle est rue Saint-Honoré aux mains de quelques meneurs.

Nulle machine plus efficace ; on n’en a jamais vu de mieux combinée pour fabriquer une opinion artificielle et violente, pour lui donner les apparences d’un vœu national et spontané, pour conférer à la minorité bruyante les droits de la majorité muette, pour forcer la main au gouvernement. « Notre tactique était simple, dit Grégoire[1]. On convenait qu’un de nous saisirait

  1. Mémoires, I, 387.