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LES JACOBINS


voter ; en définitive c’est lui qui nomme, et il a, de fait, sinon de droit, tous les privilèges d’une aristocratie politique. D’autre part, il s’érige spontanément en comité de police, il dresse et fait circuler la liste nominative des malveillants, suspects ou tièdes ; il dénonce les nobles dont les fils ont émigré, les prêtres insermentés qui continuent à résider dans leur ancienne paroisse, les religieuses « dont la conduite est inconstitutionnelle » ; il excite, dirige ou gourmande les autorités locales ; il est lui même une autorité supplémentaire, supérieure, envahissante. — Tout de suite, ce caractère a frappé les hommes de sens, et, en plusieurs endroits, ils ont protesté. « Un corps ainsi constitué, dit une pétition[1], n’est fait que pour armer les citoyens les uns contre les autres… On y fait des discussions, des dénonciations sur les personnes, et tout cela sous le sceau du secret le plus inviolable… Là, le citoyen honnête, livré aux calomnies les plus atroces, se trouve égorgé sans défense. C’est un vrai tribunal d’inquisition ; c’est le foyer de tous les écrits séditieux ; c’est une école de cabales et d’intrigues. Lorsque les citoyens ont eu à rougir de choix indignes, ces choix ont toujours été produits par des associa-

  1. Sauzay, I, 208, pétition des officiers de la garde nationale de Besançon, et observations de la municipalité, 15 septembre 1790. — Pétition de 500 gardes nationaux, 15 décembre 1790. — Observations du directoire du district : ce directoire, qui a autorisé le club, avoue que « les trois quarts » de la garde nationale et une partie des autres citoyens « lui sont tout à fait hostiles ». — Pétitions analogues à Dax, à Châlon-sur-Saône, etc., contre le club de l’endroit.


  la révolution. iii.
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