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LES JACOBINS


Justement, en décembre 1789, la loi municipale vient d’être faite, et presque aussitôt, dans toute la France, on élit le maire et les officiers municipaux, puis, dans les mois qui suivent, les administrateurs de département et de district. Enfin l’interrègne est fini : voici des autorités légales, légitimes et dont les attributions sont déterminées. Les honnêtes gens raisonnables s’empressent de remettre le pouvoir à qui de droit, et certainement ils ne songent pas à le reprendre. Tout de suite, leurs sociétés temporaires se dissolvent faute d’objet, et, s’ils en font encore une, c’est pour promettre de défendre les institutions établies. À cet effet, ils se fédèrent et, pendant six autres mois, ils échangent des serments et des embrassades. — Cela fait, après le 14 juillet 1790, ils rentrent dans la vie privée, et j’ose dire que désormais, pour la très grande majorité des Français, l’ambition politique est satisfaite : car, au fond, tout en répétant les phrases de Rousseau contre la hiérarchie sociale, ils n’y souhaitaient guère que la suppression des bourrades administratives et des entrées de faveur[1]. Ils ont obtenu tout cela et quantité d’autres choses par surcroît, notamment le titre auguste de souverains, la déférence des pouvoirs publics, les coups de chapeau de quiconque fait

  1. Rétif de la Bretonne, Nuits de Paris, XIe nuit, 36 : « Pendant vingt-cinq ans, j’ai vécu à Paris, plus libre que l’air. Deux moyens suffisaient à tous les hommes pour y être libres comme moi : avoir de la probité et ne point faire de brochures contre les ministres. Tout le reste était permis, et jamais ma liberté n’a été gênée. Ce n’est que depuis la révolution qu’un scélérat est parvenu à me faire arrêter deux fois. »


  la révolution. iii.
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