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LA RÉVOLUTION


mais qui les moissonne à poignées dans les deux groupes où le dogmatisme et la présomption sont choses naturelles. Là l’éducation a conduit l’homme jusqu’au seuil ou jusqu’au centre des idées générales ; partant, il se sent à l’étroit dans le cercle fermé de sa profession ou de son métier, et il aspire au delà. Mais l’éducation est restée superficielle ou rudimentaire ; partant, hors de son cercle étroit, il n’est pas à sa place. Il aperçoit ou il entrevoit les idées politiques ; c’est pourquoi il se croit capable. Mais il ne les aperçoit que dans une formule, ou il ne les entrevoit qu’à travers un nuage ; c’est pourquoi il est incapable, et les lacunes comme les acquisitions de son intelligence contribuent à faire de lui un Jacobin.

II

Des hommes ainsi disposés ne peuvent manquer de se rapprocher, de s’entendre et de s’associer : car ils ont le même dogme, qui est le principe de la souveraineté du peuple, et le même but, qui est la conquête du pouvoir politique. Par la communauté du but, ils sont une faction ; par la communauté du dogme, ils sont une secte, et leur ligue se noue d’autant plus aisément qu’ils sont à la fois une secte et une faction.

Au commencement, on ne distingue pas leur société dans la multitude des autres. De toutes parts, après la prise de la Bastille, les associations politiques ont surgi : il fallait bien suppléer au gouvernement dépossédé ou défaillant, pourvoir aux plus urgents des besoins publics,