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LES JACOBINS


dictature de quelques uns et à la proscription des autres. On est hors de la loi quand on est hors de la secte. C’est nous, les cinq ou six mille Jacobins de Paris, qui sommes le monarque légitime, le pontife infaillible, et malheur aux récalcitrants ou aux tièdes, gouvernement, particuliers, clergé, noblesse, riches, négociants, indifférents, qui, par la persistance de leur opposition ou par l’incertitude de leur obéissance, oseront révoquer en doute notre indubitable droit !

Une à une, ces conséquences vont se produire à la lumière, et visiblement, quel que soit l’appareil logique qui les déroule, jamais, à moins d’un orgueil démesuré, un particulier ordinaire ne peut les adopter jusqu’au bout. Il lui faut une bien haute opinion de soi pour se à croire souverain autrement que par son vote, pour manier les affaires publiques sans plus de scrupule que ses affaires privées, pour y intervenir directement et de force, pour s’ériger, lui et sa coterie, en guide, en censeur, en gouverneur de son gouvernement, pour se persuader qu’avec la médiocrité de son éducation et de son esprit, avec ses quatre bribes de latin et ses lectures de cabinet littéraire, avec ses informations de café et de gazette, avec son expérience de conseil municipal et de club, il est capable de trancher net des questions immenses et compliquées que les hommes supérieurs et spéciaux abordent en hésitant. Au commencement, cette outrecuidance n’était en lui qu’un germe, et, en temps ordinaire, faute de nourriture, elle serait restée à l’état de moisissure rampante ou d’avorton desséché. Mais le

  la révolution. iii.
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