non seulement des droits politiques, mais encore et surtout des conditions et des fortunes ; ils se promettent « l’égalité absolue, l’égalité de fait », bien mieux « les magistratures et les pouvoirs[1] » : la France est à eux, s’ils ont la hardiesse de s’en saisir. — Et d’autre part, s’ils manquent leur proie, ils se sentent perdus ; car le manifeste de Brunswick, qui n’a pas fait d’impression sur le public, s’est enfoncé à demeure dans leur mémoire. Ils s’en appliquent les menaces, et leur imagination, selon sa coutume, l’a traduit en une légende précise[2] : tous les habitants de Paris seront conduits dans la plaine Saint-Denis et décimés sur place ; au préalable, on choisira les patriotes les plus notoires, et ils seront roués, ainsi que quarante à cinquante poissardes. Déjà, le 11 août, le bruit se répand que 800 hommes de la ci-devant garde royale sont prêts à fondre sur Paris[3] ; le même jour, pendant sept heures d’horloge, la maison de Beaumarchais est fouillée[4], les murs percés, les fosses d’aisances sondées, le sol du jardin creusé jusqu’au tuf ; même perquisition dans la maison voisine ;
- ↑ Rœderer, Œuvres complètes, VIII, 477 : « Les orateurs des clubs montraient aux prolétaires la France comme une proie qui leur était assurée, s’ils voulaient la saisir ».
- ↑ Moore, I, 303-309.
- ↑ Archives nationales, 474, 426. Section des Gravilliers, lettre de Charles Chemin, commissaire, à Santerre, et déposition de Hingray, cavalier de la gendarmerie nationale, 11 août.
- ↑ Beaumarchais, Œuvres complètes. Lettre du 12 août 1792. — Cette lettre, très curieuse, montre bien la composition des attroupements à cette époque : de petites bandes de vrais brigands et voleurs qui complotent un bon coup, et une foule qui, effrayée, affolée, peut devenir féroce, mais reste probe.