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LA RÉVOLUTION


député au-devant de lui, et dit en entrant : « Je suis venu ici pour éviter un grand crime. » — En effet, tout prétexte de conflit est écarté. Du côté des insurgés, l’assaut n’a plus d’objet, puisque le monarque avec tous les siens et tout son personnel de gouvernement a quitté le château. De l’autre côté, ce n’est pas la garnison qui engagera le combat : diminuée de 150 Suisses et de presque tous les grenadiers des Filles-Saint-Thomas qui ont servi d’escorte au roi jusqu’à l’Assemblée, elle est réduite à quelques gentilshommes, à 750 Suisses, à une centaine de gardes nationaux ; les autres, apprenant que le roi s’en va, jugent leur service fini et se dispersent[1]. — Tout semble terminé par le sacrifice de la royauté : au pis, Louis XVI se figure que l’Assemblée va le suspendre de ses fonctions et qu’il rentrera simple particulier aux Tuileries. Effectivement, au moment de partir, il ordonnait à son valet de chambre de continuer le service au château jusqu’au moment où il reviendrait lui-même de l’Assemblée nationale[2].

Il a compté sans les exigences, l’aveuglement et le

    beau mouvement de cet homme. » — Ceci est, je crois, le chef-d’œuvre de l’interprétation jacobine.

  1. Mortimer-Ternaux, « II, 311, 325. Au bas de l’escalier, le roi avait dit à Rœderer : « Que vont devenir les personnes qui sont demeurées là-haut ? — Sire, elles sont en habit de couleur, à ce qu’il m’a paru ; celles qui ont des épées n’auront qu’à les quitter, vous suivre et sortir par le jardin. » En effet, un certain nombre de gentilshommes partirent ainsi ; et la plupart des autres se sauvèrent du côté opposé, par la galerie du Louvre.
  2. Maton de la Varenne, Histoire particulière, etc., 109. Témoignage du valet de chambre Lorimier de Chamilly, avec qui Maton fut détenu à la Force.