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LA RÉVOLUTION


le cadavre au front fracassé qui gît sur le perron de l’Hôtel de Ville. Sur la rive droite, les bataillons du faubourg Saint-Antoine, sur la rive gauche les bataillons du faubourg Saint-Marcel, les Bretons et les Marseillais, se mettent en marche et avancent aussi librement qu’à la parade. Les mesures de défense ont été déconcertées par le meurtre du commandant général et par la duplicité du maire : nulle résistance aux endroits gardés, à l’arcade Saint-Jean, au passage des ponts, le long des quais, dans la cour du Louvre. Une avant-garde de populace, femmes, enfants, hommes armés de tranchets, de gourdins et de piques, s’étale sur le Carrousel abandonné, et, vers huit heures, la première colonne, conduite par Westermann, débouche en face du château.

VII

Si le roi eût voulu combattre, il pouvait encore se défendre, se sauver et même vaincre. — Dans les Tuileries, 950 Suisses et 200 gentilshommes étaient prêts à se faire tuer pour lui jusqu’au dernier. Autour des Tuileries, deux ou trois mille gardes nationaux, l’élite de la population parisienne, venaient de crier sur son passage[1] : « Vive le roi ! vive Louis XVI ! c’est lui qui est

  1. En ce moment, Napoléon était au Carrousel, chez un frère de Bourrienne : « Je pus voir à mon aise, dit-il, tous les détails de la journée… Le roi avait pour sa défense au moins autant de troupes qu’en eut depuis la Convention, le 13 vendémiaire, et les ennemis de celle-ci étaient bien autrement disciplinés et redoutables. La plus grande partie de la garde nationale se montra pour le roi : on lui doit cette justice. »