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LA RÉVOLUTION


tromper ou la contraindre, et pour cela l’obscurité, l’heure avancée, le désordre, la peur du lendemain, l’indétermination de l’œuvre à faire sont des auxiliaires précieux. En beaucoup de sections[1], la séance est déjà levée ou désertée ; il ne reste dans la salle que les membres du bureau permanent et peut-être quelques hommes endormis sur des bancs presque vides. Arrive un émissaire des sections insurgées, avec les affidés du quartier, criant qu’il faut sauver la patrie : les dormeurs ouvrent les yeux, s’étirent, lèvent la main et nomment qui on leur désigne, parfois des étrangers, des inconnus, qui seront désavoués le lendemain par la section rassemblée ; point de procès-verbal, ni de scrutin ; cela est plus prompt : à l’Arsenal, les six électeurs présents choisissent trois d’entre eux pour représenter 1400 citoyens actifs. Ailleurs, la cohue des mégères, des gens sans aveu et des tapageurs nocturnes envahit la salle, chasse les amis de l’ordre, et emporte les nominations voulues[2]. D’autres sections consentent à élire, mais sans donner de pleins pouvoirs ; plusieurs font des réserves expresses, stipulent que leurs délégués agiront de concert avec la municipalité légale, se défient du futur comité, déclarent d’avance qu’elles ne lui obéiront pas ; quelques-unes ne nomment leurs commissaires que pour être informées et manifestent en même temps l’intention très nette d’arrêter l’émeute[3]. Enfin, vingt

  1. Par exemple : Enfants-Rouges, Louvre, Observatoire, Fontaine-Grenelle, Faubourg-Saint-Denis, Thermes-de-Julien.
  2. Par exemple : Montreuil, Popincourt, Roi-de-Sicile.
  3. Par exemple : Ponceau, Invalides, Sainte-Geneviève.