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LA RÉVOLUTION


forge des adversaires à son image et s’autorise contre eux des projets qu’il leur prête contre lui. Au comité des meneurs jacobins, on est sûr que la cour va attaquer, et l’on a du complot « non seulement des indices, mais les preuves les plus claires[1] ». — « C’est le cheval de Troie, disait Panis ; nous sommes perdus, si nous ne parvenons pas à le vider… La bombe éclatera dans la nuit du 9 au 10 août… Quinze mille aristocrates sont prêts à égorger tous les patriotes ; » en conséquence, les patriotes s’attribuent le droit d’égorger les aristocrates. — Dans les derniers jours de juin, à la section des Minimes, « un garde française se chargeait déjà de tuer le roi », si le roi persistait dans son veto ; le président de la section ayant voulu exclure le régicide, c’est le régicide qui a été maintenu, et le président exclu[2]. Le 14 juillet, à la fête de la Fédération, un autre prédécesseur de Louvel et de Fieschi, muni d’un coutelas, s’était introduit dans le bataillon de service pour

  1. Buchez et Roux, XIX, 93, séance du 23 septembre 1792. Discours de Panis : « Beaucoup d’excellents citoyens voulaient des preuves judiciaires, mais les preuves politiques nous suffisaient. » — Vers la fin de juillet, le ministre de l’intérieur avait invité Pétion à envoyer deux officiers municipaux pour visiter les Tuileries ; mais le conseil municipal avait refusé, afin de garder ses alarmes.
  2. Mallet du Pan, Mémoires, I, 303. Lettre de Malouet du 29 juin. — Bertrand de Moleville, Mémoires, II, 301. — Hua, 148. — Weber, II, 208. — Mme Campan, Mémoires, II, 188. Déjà, à la fin de 1791, le roi était averti qu’il courait risque d’être empoisonné par un Jacobin devenu le pâtissier en titre du château. Pendant trois ou quatre mois, il dut manger du pain et des pâtisseries achetées ailleurs en cachette. Le 14 juillet 1792, ses serviteurs le croyaient si menacé, qu’ils l’avaient obligé à mettre un plastron sous son habit.