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LA RÉVOLUTION


à la discussion et sort de la salle. L’insolence des galeries va si loin, qu’à plusieurs reprises l’Assemblée presque entière murmure pendant qu’elles applaudissent : bref la majorité s’indigne tout haut de son esclavage[1]. — Qu’elle y prenne garde : dans les tribunes et aux abords de l’édifice sont les fédérés, hommes à poigne ; ils la forceront bien à voter la mesure décisive, le décret sous lequel doit tomber le champion armé de la Constitution et du roi, l’accusation de La Fayette. Pour plus d’efficacité, les Girondins exigent l’appel nominal : de cette façon les noms proclamés et imprimés désigneront les opposants à la populace, et nul d’entre eux n’est sûr de rentrer chez lui avec tous ses membres. — Mais La Fayette, libéral, démocrate, royaliste, aussi attaché à la révolution qu’à la loi, est alors le personnage qui justement, par la courte portée de son esprit, par l’incohérence de ses idées politiques, par la noblesse de ses sentiments contradictoires, représente le mieux l’opinion de l’Assemblée et de la France[2]. D’ailleurs sa popularité,

  1. Moniteur, XIII, 187, séance du 18 juillet. « Les tribunes applaudissent, l’Assemblée murmure. » — 208 (21 juillet). « Murmures, huées, cris : À bas l’orateur ! dans les tribunes. » Le président les rappelle à l’ordre cinq fois et toujours inutilement. — 224 (23 juillet). « Les tribunes applaudissent, de longs murmures se font entendre dans l’Assemblée. »
  2. Buzot, Mémoires (édit. Dauban), 83 et 84 : « La majorité du peuple français soupirait après la royauté et la Constitution de 1791… C’était à Paris surtout que ce vœu était le plus général et craignait le moins de se manifester dans les conversations particulières et dans les sociétés privées. Il n’y avait que quelques hommes dont les âmes nobles et élevées se sentaient dignes d’être républicains… Le reste ne désirait, ne voulait