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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


sants du roi soumis, ou délégués exécutifs de l’Assemblée soumise, ils seront les maîtres de la France.

II

À cet effet, ils s’en prennent d’abord au roi, et tâchent de lui forcer la main par la peur. — Ils font lever la suspension prononcée contre Pétion et Manuel, et les ramènent tous deux à l’Hôtel de Ville. Désormais ceux-ci régneront dans Paris sans répression ni surveillance, car le directoire du département s’est démis ; il n’y a plus d’autorité supérieure pour les empêcher de requérir ou de consigner à leur gré la force armée, et ils sont affranchis de toute subordination comme de tout contrôle. Voilà le roi de France en bonnes mains, aux mains de ceux qui, le 20 juin, ont refusé de museler la bête populaire et déclarent qu’elle a bien fait, qu’elle était dans son droit, qu’elle est libre de recommencer. Selon eux, le palais du monarque appartient au public ; on peut y entrer comme dans un café ; en tout cas, si la municipalité est occupée ailleurs, elle n’est pas tenue de s’y opposer : « Est-ce qu’il n’y a que les Tuileries et le roi à garder dans Paris[1] ! » — Autre manœuvre : on

  1. Moniteur, XIII, 155, séance du 16 juillet. — Mortimer-Ternaux, II, 69 : « Honorés de vos bontés, dit Manuel, les citoyens avaient des titres pour se présenter chez le premier fonctionnaire de la nation… La maison du prince doit être ouverte comme une église. C’est outrager le peuple que de le craindre. Si Louis XVI eût eu l’âme de Marc-Aurèle, il serait descendu dans ses jardins pour consoler cent mille âmes des lenteurs d’une révolution… Jamais il n’y eut moins de voleurs aux