Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 5, 1904.djvu/264

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
260
LA RÉVOLUTION


Dès le soir du 20 juin, le conseil du département a ordonné une enquête ; il la poursuit, il la presse, il établit par pièces authentiques l’inaction volontaire, la connivence hypocrite, le double jeu du procureur-syndic et du maire[1] ; il les suspend de leurs fonctions, il les dénonce aux tribunaux, ainsi que Santerre et ses complices. Enfin La Fayette, ajoutant au poids de son opinion l’ascendant de sa présence, vient lui-même, à la barre de l’Assemblée nationale, réclamer des mesures « efficaces » contre les usurpations de la « secte » jacobine, et demander que les instigateurs du 20 juin soient punis « comme criminels de lèse-nation ». Dernier symptôme et plus significatif encore : dans l’Assemblée, sa démarche est approuvée par une majorité de plus de cent voix[2].

Tout cela doit être écrasé et va l’être. Car, du côté des constitutionnels quels qu’ils soient, roi, députés, ministres, généraux, administrateurs, notables, gardes nationaux, la volonté s’évapore en paroles, et la raison en est qu’ils sont des gens civilisés, accoutumés de longue main aux pratiques d’une société régulière,

  1. Moniteur, XIII, 89. L’arrêté (7 juillet) est motivé avec une précision et une force admirables. Comparé aux amplifications vagues et ampoulées des adversaires, il fait mesurer la distance intellectuelle des deux partis.
  2. 339 voix contre 224. — Rœderer, Chronique des cinquante jours ; 79 : « Un grand mouvement s’opérait en faveur du roi, dans l’opinion de la majorité des habitants de Paris. » — Camille. Desmoulins, par Jules Claretie, 191. Article de C. Desmoulins : « Cette classe de petits commerçants, de boutiquiers qui ont plus peur des révolutionnaires que des hulans… »