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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


ils désobéissent effrontément à ses ordres les plus légaux, les plus sensés, les plus réitérés, les plus formels ; après quoi, plus effrontément encore, ils demandent au ministre si, « placés dans la cruelle alternative de blesser la hiérarchie des pouvoirs ou d’abandonner la chose publique en danger, il leur était permis de balancer ». Tantôt, comme à Arras, ils imposent leur présence illégale au directoire en séance et lui jettent à la face des imputations si outrageantes, que celui-ci, par un scrupule d’honneur, se croit tenu de solliciter sa propre suspension[1]. Tantôt, comme à Figeac, ils mandent un administrateur à leur barre, le tiennent debout devant eux sous un interrogatoire de trois quarts d’heure, saisissent ses papiers et l’obligent, crainte de pis, à quitter la ville[2]. Tantôt comme à Auch, ils envahissent la salle du directoire, prennent les administrateurs à la gorge, les meurtrissent à coups de poing et de bâton, traînent le président par les cheveux et, à grand’peine, lui font

    16 mai 1791. Délibération du conseil général de la commune de Brest, 17 mai. Lettre du directoire du district, 17 mai (très éloquente). Délibération de la municipalité de Plabennec, 20 mai. Lettre de la municipalité de Brest au ministre, 21 mai. Délibération du directoire du département, 13 juin.

  1. Mortimer-Ternaux, II, 376 (séance du directoire du Pas-de-Calais, 4 juillet 1792). La pétition, signée par 127 habitants d’Arras, est présentée au directoire par Robespierre jeune et Guffroy. Les administrateurs y sont traités de fourbes, de conspirateurs, etc., et le président, entendant ces douceurs, dit à ses collègues : « Messieurs, asseyons-nous : nous entendrons aussi bien des injures assis que debout ».
  2. Archives nationales, F7, 3223. Lettre de M. Valery, procureur syndic du département, 4 avril 1792.