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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


entreprennent de dompter une cité de 30 000 âmes. Mainvielle aîné, traînant deux canons, arrive avec une patrouille, tire à l’aventure dans l’église demi-évacuée et tue deux hommes. Duprat ramasse une trentaine des bourgeois qu’il a emprisonnés le 31 août et, en outre, une quarantaine d’artisans des confréries catholiques, portefaix, boulangers, tonneliers, manœuvres, deux paysans, un mendiant, des femmes saisies au hasard et sur des dénonciations vagues, l’une d’elles « parce qu’elle a mal parlé de Mme Mainvielle ». Jourdan fournit les bourreaux ; l’apothicaire Mende, beau-frère de Duprat, les gorge de liqueurs fortes ; un commis du gazetier Tournal leur dit de « tuer tout, pour qu’il ne reste pas de témoins ». Alors, sur l’ordre réitéré de Mainvielle, Tournal, Duprat, Jourdan, avec des complications de lubricité inénarrables[1], le massacre se développe, le 16 octobre et les jours suivants, pendant soixante-six heures, sur deux prêtres, trois enfants, un vieillard de quatre-vingts ans, treize femmes dont deux enceintes, en tout soixante et une personnes égorgées, assommées, puis précipitées les unes sur les autres dans le trou de la Glacière, une mère sur le corps de son enfant, un fils sur le corps de son père, le tout achevé d’en haut à coups de pierres, puis recouvert de chaux vive à cause de l’odeur[2]. Cependant une centaine

  1. André, II, 62. Déposition de la Ratapiole. — Mort de la fille Ayme de Mmes Niel et Crouzet. — Dampmartin, II, 2.
  2. Archives nationales, DXXIV, 3. Rapport sur les événements du 16 octobre : « Deux prêtres assermentés ont été tués, ce qui prouve qu’il ne s’agit pas ici de contre-révolution… Les offi-