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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


Camoïn, l’un des nouveaux administrateurs du département, fait sa main sur tout ce qui est bon à prendre, et, quelques jours après, on trouvera 30 000 francs dans sa valise. — Par un entraînement naturel, ces exemples sont suivis, et l’ébranlement se propage : dans chaque bourg ou petite ville, le club en profite pour assouvir son ambition, son avidité et ses rancunes. Celui d’Apt a fait appel à ses voisins, et 1500 gardes nationaux de Gordes, Saint-Saturnin, Goult et Lacoste, avec un millier de femmes et d’enfants munis de bâtons et de fourches, arrivent un matin devant la ville. On leur demande en vertu de quel ordre ils viennent ainsi : ils répondent que « l’ordre leur a été donné par leur patriotisme ». Les fanatiques » ou partisans des prêtres insermentés ont occasionné leur voyage » : en conséquence, « ils veulent n’être logés qu’aux dépens des fanatiques ». En trois jours d’occupation, ce sera pour ceux-ci et pour la ville une dépense de 20 000 livres[1]. Pour commencer, ils brisent tout dans l’église des Récollets et en murent les portes ; puis ils expulsent de la ville les insermentés et désarment tous leurs partisans. Pendant les trois jours, le club d’Apt, qui est la seule autorité,

  1. Archives nationales, F7, 3195. Lettre de M. Mérard, commissaire du roi près le tribunal du district d’Apt, Apt, 15 mars 1792 (avec procès-verbal de la municipalité d’Apt, et délibération du district, 13 mars). — Lettre de M. Guillebert, procureur-syndic du district, 5 mars. (Il est en fuite.) — Lettres du directoire du district, 23 et 28 mars : « Il ne faut pas penser que, dans ce moment, le tribunal et le juge de paix puissent s’occuper du moindre acte d’instruction relatif à cet événement : une seule démarche dans cette intention nous ferait tomber, dans huit jours, 10 000 hommes sur les bras. »