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LA RÉVOLUTION


ront clandestinement et déguisés[1]. — Mais le régiment suisse, qui a contraint les magistrats à ne pas violer la loi, portera la peine de son insolence, et, comme on n’a pu le débaucher, on se décide à l’expulser. Pendant quatre mois, la municipalité multiplie contre lui les vexations de toute espèce[2] et, le 16 octobre 1791, les Jacobins engagent, au théâtre, une rixe contre ses officiers. Dans la même nuit, hors du théâtre, quatre d’entre eux sont assaillis par des bandes armées ; le poste où ils se réfugient manque d’être pris d’assaut ; on les mène en prison pour leur sûreté : au bout de cinq jours, ils y sont encore détenus, « quoique leur innocence soit reconnue ». Cependant, pour assurer « la tranquillité publique », la municipalité a requis le commandant du port de remplacer à l’instant les Suisses par des gardes nationaux dans tous les postes ; celui-ci cède à la force, et le régiment, inutile, insulté, menacé, n’a plus qu’à déguerpir[3]. — Cela fait, la nouvelle municipalité, encore plus jacobine que la précédente[4], détache Marseille de la France, érige la cité en république militaire

  1. Archives nationales, F7, 3197. Lettre de M. d’Olivier, lieutenant-colonel du régiment d’Ernest, 28 mai. — Extrait du secrétariat de la municipalité, 28 mai. (Barbaroux est secrétaire-greffier.) — Lettre des commissaires, 29 mai.
  2. Ib. Lettre des commissaires, 29 juin.
  3. Archives nationales, F7, 3197. Lettre de M. Laroque-Dourdan, commandant de la marine à Marseille, 18 octobre 1791 (à propos du départ du régiment suisse) : « Tous les citoyens propriétaires gémissent de ce changement. »
  4. Les élections sont du 13 novembre 1791. Martin, l’ancien maire, a paru timide, et, l’on a élu Mourraille à sa place.