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LA RÉVOLUTION


bation plus forte ; « L’anarchie existe à un degré presque sans exemple, écrivait l’ambassadeur des États-Unis[1]. Telles sont l’horreur et l’appréhension universellement inspirées par les sociétés licencieuses, qu’il y a quelque raison de croire que la grande masse de la population française regarderait le despotisme lui-même comme un bienfait, s’il était accompagné de cette sécurité des personnes et des propriétés que l’on possède sous les plus mauvais gouvernements de l’Europe. » — « Il est démontré à mes yeux, dit un autre observateur non moins compétent[2], que, lorsque Louis XVI a définitivement succombé, il avait beaucoup plus de partisans en France qu’un an auparavant, lors de sa fuite à Varennes. » — Effectivement, à plusieurs reprises, à la fin de 1791 et de 1792, il avait fait constater cette vérité par des enquêtes[3]. 18 000 officiers[4] de tout grade nommés par les constitutionnels, 71 administrations de département sur 82, la plupart des tribunaux[5], les commerçants, les fabri-

  1. Gouverneur Morris, lettre du 20 juin 1792.
  2. Souvenirs inédits du chancelier Pasquier.
  3. Malouet, II, 203 : « Tous les rapports qui arrivaient des provinces annonçaient (au roi et à la reine) une amélioration sensible de l’opinion publique, qui se pervertissait de plus en plus ; Car celle qui leur arrivait était sans influence, tandis que l’opinion des clubs, des cabarets et des carrefours acquérait une puissance énorme, et le moment approchait où il n’y aurait plus d’autre puissance. »
  4. Les chiffres ci-dessus sont donnés par Mallet du Pan, Mémoires, II, 120.
  5. Moniteur, XII, 776, séance du 28 juin. Discours de M. Lamarque, député et juge dans un tribunal de district. « L’incivisme de la généralité des tribunaux de district est connu. »