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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


Bien loin d’armer contre la nouvelle France au nom de la France ancienne, l’empereur Léopold et son ministre Kaunitz avaient été charmés de voir la Constitution finie, acceptée par le roi : cela « les tirait d’embarras[1] » et la Prusse aussi. Dans la conduite des États, l’intérêt politique est toujours le grand ressort, et les deux puissances avaient besoin de toutes leurs forces d’un autre côté, en Pologne, l’une pour en retarder, l’autre pour en accélérer le partage, l’une et l’autre, en cas de partage, pour en prendre assez et pour empêcher que la Russie n’en prît trop. — Ainsi les souverains de la Prusse et de l’Autriche ne songeaient encore ni à délivrer Louis XVI, ni à ramener les émigrés, ni à conquérir des provinces françaises, et, si l’on pouvait s’attendre à leur malveillance personnelle, on n’avait pas à redouter leur intervention armée. — Du côté de la France, ce n’est pas le roi qui pousse à la rupture ; il sait trop bien que les hasards de la guerre retomberont en dangers mortels sur sa tête et sur celle des siens. En secret comme en public, quand il écrit aux émigrés, c’est pour les ramener ou les contenir. Sa correspondance privée demande aux puissances, non un secours physique, mais un concours moral, l’appui extérieur d’un congrès qui permette aux hommes modérés, aux partisans de

    qu’elle ne contient que des déclarations sans portée, arrachées par les sollicitations de M. Le comte d’Artois ». Il finit en lui donnant l’assurance que « ni lui ni son gouvernement ne se trouvent liés en quoi que ce soit par cette convention ».

  1. Paroles de M. de Kaunitz, 4 septembre 1791 (Recueil de Vivenot, I, 242).


  la révolution. iii.
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