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LA RÉVOLUTION


contraste, le privilège et l’impunité d’une secte qui s’est formée en corporation politique, « qui étend ses affiliations dans tout le royaume et même à l’étranger, qui a son trésor, ses comités, son règlement, qui gouverne le gouvernement, qui juge la justice[1] » et, de la capitale à la bourgade, usurpe ou régente l’administration. — Liberté, égalité, souveraineté de la loi, rien de tout cela n’existe qu’en paroles. Des trois mille décrets enfantés par la Constituante, les plus admirés, les mieux parés du baptême philosophique font un tas d’avortons mort-nés dont la France est le cimetière. Ce qui subsiste effectivement sous les apparences menteuses du droit proclamé et juré à cent reprises, c’est, d’une part, l’oppression de la classe supérieure et cultivée, à qui l’on retire tous les droits de l’homme ; d’autre part, la tyrannie de la tourbe fanatique et brutale, qui s’arroge tous les droits du souverain.

II

Contre ce renversement et ce scandale, les honnêtes gens de l’Assemblée ont beau réclamer ; l’Assemblée, conduite et contrainte par les Jacobins, ne remanie la loi que pour accabler les opprimés et pour autoriser les oppresseurs. — Sans distinguer entre les rassemblements armés de Coblentz, qu’elle à le droit de punir, et les fugitifs trois fois plus nombreux, femmes,

  1. Mercure de France, n° du 3 septembre 1791, article de Mallet du Pan.