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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


juin précédent, mais qui, refluant trois mois plus tard, sont venus s’engouffrer de nouveau dans la grande sentine du vagabondage et de la licence, pour y heurter de leur masse flottante l’édifice mal assis des pouvoirs publics et fournir des bras à la sédition. — À Paris et en province, c’est la désobéissance à tous les degrés de la hiérarchie : ici, des directoires qui contre-carrent les ordres du ministre ; là, des municipalités qui bravent les injonctions de leur directoire ; plus loin, des communautés qui, le sabre en main, font marcher leur maire ; ailleurs, des soldats et des marins qui mettent aux arrêts leurs officiers ; des prévenus qui insultent leur juge sur son tribunal et le forcent à rétracter la sentence rendue, des attroupements qui taxent ou pillent le blé sur les marchés, des gardes nationales qui l’empêchent de circuler ou vont le saisir à domicile ; nulle sûreté pour les biens, les vies, les consciences ; la majorité des Français privée en fait du droit de pratiquer son ancien culte et de voter aux élections ; pour l’élite de la nation, ecclésiastiques et gentilshommes, officiers de terre et de mer, grands commerçants et propriétaires, nulle sécurité de jour ou de nuit, point de recours aux tribunaux, plus de revenu foncier, la dénonciation, l’expulsion, l’internement, les assauts à domicile, la défense de s’associer, même pour prêter main-forte à la loi et sous la conduite des autorités légales[1] ; en face et par

  1. Lacretelle, Dix ans d’épreuves : « Je ne connais point d’aspect plus morne et plus désespérant que l’intervalle du départ de l’Assemblée nationale à la journée du 10 août, consommée par celle du 2 septembre. »