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LA RÉVOLUTION

VI

Tantôt elle les escamote en les brusquant. Comme « il n’y a point d’ordre du jour distribué d’avance et qu’en tout cas on n’est pas astreint à le suivre[1] », l’Assemblée est à la merci des surprises. « Le premier gredin du côté gauche (je n’efface pas cette expression, dit Hua, parce qu’il y en avait plusieurs parmi ces messieurs) venait avec une motion toute faite qui avait été préparée la veille dans une coterie. On n’était point préparé ; nous demandions le renvoi à un comité. Point de renvoi ; on faisait décréter l’urgence, et, bon gré mal gré, il fallait délibérer, séance tenante[2]. » — Autre tactique aussi perfide, celle-ci surtout à l’usage de Thuriot. Ce grand drôle venait proposer, non pas un projet de loi, mais ce qu’il appelait un principe ; par exemple il fallait décréter que les biens des émigrés seraient mis sous le séquestre,… ou que les prêtres insermentés seraient soumis à une surveillance spéciale… On lui répondait : Mais votre principe, c’est l’âme de la loi, c’est toute la loi ; laissez donc

  1. Hua, 115. — Ib., 90. Sur 14 députés de Seine-et-Oise, 3 étaient Jacobins. « Nous nous réunissions une fois par semaine pour parler des affaires du département. Nous fûmes obligés de chasser ces gueux, qui ne parlaient que de tuer, même à table. »
  2. Moniteur, XII, 702. Par exemple, le 19 juin 1792, motion imprévue de Condorcet, pour que « tous les départements soient autorisés à brûler les titres (de noblesse) qui se trouveront dans les divers dépôts. » — Adopté d’urgence et à l’unanimité.