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LA RÉVOLUTION


« le respect du peuple, leur souverain juge[1] ». — « Les mouvements des tribunes, s’écrie Lecointe-Puyraveau, sont l’élan du patriotisme. » À la fin, le même Choudieu, transposant tous les droits avec une incomparable audace, veut conférer aux assistants les privilèges de la législature, et réclame un décret contre les députés qui, coupables de lèse-majesté populaire, osent se plaindre de leurs insulteurs.

Plus énergique encore, une autre machine d’oppression opère aux abords de l’Assemblée. Comme leurs prédécesseurs de la Constituante, les membres du côté droit « ne peuvent sortir sans traverser les imprécations et les menaces de groupes furibonds. Les cris À la lanterne ! retentissaient aussi souvent aux oreilles de Dumolard, de Vaublanc, de Jaucourt, de Lacretelle qu’à celles de Cazalès, de l’abbé Maury et de Montlosier[2] ». Après avoir apostrophé le président Mathieu Dumas, on insulte sa femme, qu’on a reconnue dans une tribune réservée[3]. Dans les Tuileries, des groupes permanents écoutent les braillards qui dénoncent par leurs noms les députés suspects, et malheur à celui d’entre eux qui prend ce chemin pour venir aux séances ! il est salué au passage par une bordée d’injures. Si c’est un

  1. Moniteur, XII, 22, séance du 2 avril. — Mortimer-Ternaux, II, 95. — Moniteur, XIII, 222, Séance du 22 juillet.
  2. Lacretelle, Dix ans d’épreuves, 80.
  3. Mathieu Dumas, Mémoires, II, 88 (23 février). — Hua, Mémoires d’un avocat au Parlement de Paris, 106, 121, 134, 154. — Moniteur, XIII, 212, séance du 21 juillet : Discours de M… « Tous les jours, les avenues de cette salle sont obstruées par une horde de gens qui insultent les représentants de la nation. »