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LA RÉVOLUTION


le tintamarre des tribunes[1] : à chaque séance, « les représentants sont gourmandés par les spectateurs ; la nation des galeries juge la nation du bas de la salle », intervient dans les délibérations, fait taire les orateurs, insulte le président, ordonne au rapporteur de quitter la tribune. Ce n’est pas une fois qu’elle interrompt ou par un simple murmure, mais vingt, trente, cinquante fois en une heure, par des clameurs, des trépignements, des hurlements et des injures personnelles. Après des centaines de réclamations inutiles, après d’innombrables rappels à l’ordre « reçus par des huées », après dix « règlements faits, refaits, rappelés, affichés », comme pour mieux prouver l’impuissance de la loi, des autorités et de l’Assemblée elle-même, l’usurpation de ces intrus va croissant. Pendant dix mois, ils ont crié : À bas la liste civile ! À bas les ministériels ! À bas les mâtins ! Silence, esclaves ! » Le 26 juillet, Brissot lui-même leur paraîtra tiède et recevra deux prunes au visage. « Trois ou quatre cents individus sans titre, sans propriété, sans existence… sont devenus les auxiliaires, les suppléants, les arbitres de la législature, » et leur fureur soldée achève de détruire ce que l’Assemblée a pu garder encore de sa raisons[2].

  1. Moniteur, XI, 576, séance du 6 mars ; XII, 237, 314, 368, séance du 27 avril, du 5 mai, du 14 mai.
  2. Mercure de France, nos du 19 septembre 1791, du 11 février et du 3 mars 1792. — Buchez et Roux, XVI, 185, séance du 26 juillet 1792.