Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 5, 1904.djvu/128

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
124
LA RÉVOLUTION


« cher votre père sur les mers ; mais vous n’aurez pas à redouter les écueils de Sicile ni les séductions d’une Eucharis. » Gentillesses de cuistre, prosopopées de rhéteur, invectives d’énergumène, c’est ici le ton régnant. Dans les meilleurs discours perce toujours le même défaut, l’échauffement de la cervelle, la manie des grands mots, l’habitude des échasses, l’incapacité de voir les choses qui sont et de les dire comme elles sont. Les hommes de talent, Isnard, Guadet, Vergniaud lui-même, sont emportés par la phrase ronflante et creuse, comme une barque sans lest par une voile trop large. Ils s’exaltent avec leurs souvenirs de classe, et le monde moderne ne leur apparaît qu’à travers des réminiscences latines. — Français de Nantes s’irrite contre le pape « qui tient dans la servitude la postérité des Caton et des Scévola ». — Isnard propose d’imiter le sénat romain, qui, pour apaiser la discorde au dedans, portait la guerre au dehors : en effet, entre la vieille Rome et la France de 1792, la ressemblance est frappante. — Roux veut que l’Empereur donne satisfaction avant le 1er mars : « En pareil cas, le peuple romain aurait fixé un délai ; pourquoi le peuple français n’en fixerait-il pas un ?… » Autour des petits princes allemands qui hésitent, il faut tracer le « cercle de Popilius ». — Quand l’argent manque pour établir des camps autour de Paris et des grandes villes, La Source propose d’aliéner les forêts nationales, et s’étonne des objections : « Les soldats de César ; dit-il, croyant sacrée une antique forêt des Gaules, n’osaient y porter la cognée ; est-ce