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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


nom d’Amis de la Constitution française, les Feuillants se sont séparés des Jacobins[1], et, de plus, ils insistent pour exclure de la garde nationale. « les étrangers sans propriété ni qualité », les citoyens passifs qui, malgré la loi, s’y sont introduits, qui usurpent le droit de vote, et qui « insultent journellement les habitants tranquilles ». En conséquence, le jour de l’élection, dans l’église où se tient l’assemblée primaire, deux Feuillants, Laurède, ci-devant contrôleur des vingtièmes, et Brunache, vitrier, proposent l’exclusion d’un intrus, domestique à gages. Aussitôt les Jacobins s’élancent ; Laurède est jeté contre un bénitier, blessé à la tête ; il veut s’échapper, il est ressaisi aux cheveux, terrassé, frappé au bras d’un coup de baïonnette, mis en prison, et Brunache avec lui. Huit jours après, il n’y a plus que des Jacobins à la seconde assemblée ; naturellement « ils sont tous élus » et forment la municipalité nouvelle, qui, malgré les arrêtés du département, refuse d’élargir les deux prisonniers et, par surcroît, les met au cachot. — À Montpellier, l’opération, un peu plus tardive, n’en est que plus complète. Les votes étaient déposés, les boîtes du scrutin fermées, cachetées, et la majorité acquise aux modérés. Là-dessus, le club jacobin et la

  1. Archives nationales, F7, 3229. Lettres de M. Laurède, 18 juin 1791 ; du directoire du département, 8 juin, 31 juillet et 22 septembre 1791 ; de la municipalité, 15 juillet 1791. La municipalité « laisse l’élargissement des prisonniers en suspens » pendant six mois, parce que, dit-elle, le peuple est disposé « à s’insurrecter contre leur sortie ». — Lettres de plusieurs gardes nationaux disant que les factieux ne sont qu’une partie de la garde nationale.