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LA RÉVOLUTION


où le club, soutenu par les indigents, les matelots, les ouvriers du port et « les forains sans aveu », exerce la dictature par droit de conquête ; à Brest, à Tulle, à Cahors, où, en ce moment même, des gentilshommes et des officiers sont massacrés dans la rue. Rien d’étonnant si les honnêtes gens s’écartent du scrutin comme d’un coupe-gorge. — Au reste, qu’ils s’y présentent, si bon leur semble : on saura bien s’y débarrasser d’eux. À Aix, on déclare à l’assesseur chargé de lire les noms des électeurs que « l’appel nominal doit être fait par une bouche pure, qu’étant aristocrate et fanatique, il ne peut ni parler ni voter », et, sans plus de cérémonie, on le met à la porte[1]. Le procédé est excellent pour changer une minorité en majorité ; pourtant en voici un autre plus efficace encore. — À Dax, sous le

  1. Archives nationales ; F7, 3198. Déposition de Vérand-Icard, électeur d’Arles, 8 septembre 1791 — Ib., F7, 3195. Lettre des administrateurs du district de Tarascon, 8 décembre 1791. Deux partis sont en présence aux élections municipales de Barbantane : l’un conduit par l’abbé Chabaud, frère d’un des brigands d’Avignon, composé de trois ou quatre bourgeois et de « tous les plus pauvres du pays » ; l’autre, trois fois plus nombreux, comprenant « tous les gros propriétaires, les bons messayers et artisans, et tout ce qu’il y a de plus intéressé à la bonne administration ». Il s’agit de savoir si l’abbé Chabaud sera maire. Les élections ont lieu le 5 décembre 1791. Procès-verbal du maire en fonction : « Nous, Pierre Fontaine, maire, nous adressâmes la parole à ces émeutés pour les engager à la paix. Au même instant, le nommé Claude Gontier, dit Baoque, nous donna un coup de poing sur l’œil gauche qui nous l’a meurtri considérablement et duquel nous ne voyons presque plus, et tout de suite, conjointement avec d’autres, nous sautèrent dessus, nous terrassèrent et nous traînèrent par les cheveux, continuant toujours de nous frapper depuis le devant de la porte de l’église jusques au-devant de celle de la maison commune. »