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LA RÉVOLUTION


réfléchis et modérés de se former en comité électoral, d’avoir une tribune, une caisse, des souscripteurs et des adhérents, de jeter le poids de leurs noms et de leur solidarité dans la balance de l’opinion publique, de rattacher à leur noyau permanent la multitude éparse des gens sensés qui voudraient sortir de la révolution sans retomber dans l’ancien régime. Qu’ils chuchotent entre eux à huis clos, on veut bien le tolérer encore ; mais malheur à eux s’ils sortent de leur isolement pour se concerter, pour recruter des voix, pour patronner une candidature ! Jusqu’au jour du vote, en face de leurs adversaires ligués, actifs et bruyants, il faut qu’ils demeurent épars, inertes et muets.

IV

Au moins, ce jour-là, pourront-ils librement voter ? La chose n’est pas sûre, et, d’après les exemples de l’année précédente, ils en peuvent douter. — Au mois d’avril 1790, à Bois-d’Aisy en Bourgogne, M. de Bois-d’Aisy, député, qui revenait de Paris pour donner son suffrage[1], été menacé publiquement ; on lui a signifié que les nobles et les prêtres ne devaient point prendre part aux élections, et nombre de gens disaient devant lui que, pour l’en empêcher, on ferait bien de le pendre. Tout près de là, à Sainte-Colombe, M. de Viteaux a été chassé de l’assemblée électorale, puis tué après un supplice de

  1. La Révolution, IV, 107, 185.