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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


vient insulter chez eux ses adversaires et provoque une rixe : sur quoi, la municipalité fait murer incontinent les portes du cercle assailli et lance contre ses membres des mandats d’arrêt. — Toujours on les punit des violences qu’ils subissent ; leur simple existence semble un délit : à Grenoble, on les disperse, à peine assemblés. Effectivement, ils sont suspects « d’incivisme » ; ils peuvent avoir de mauvaises intentions ; en tout cas, ils divisent la ville en deux camps, et cela suffit. — Dans le Gard, par arrêté du département, toutes leurs sociétés sont dissoutes, parce qu’elles sont « des centres de malveillance ». À Bordeaux, la municipalité, considérant « que des bruits alarmants se répandent, que les prêtres et les privilégiés rentrent dans la ville », interdit toute réunion, sauf celle des Jacobins. — Ainsi, « sous le régime de la liberté la plus sublimée, en présence de cette fameuse Déclaration des Droits de l’homme qui légitime tout ce que la loi n’a pas défendu » et pose l’égalité comme le principe de la Constitution française, quiconque n’est pas Jacobin est exclu du droit commun. Une société intolérante s’est érigée en église sacro-sainte et proscrit toutes les associations qui n’ont pas reçu d’elle « le baptême de l’orthodoxie, l’inspiration civique et le don des langues ». À elle seule appartient la faculté de réunion et de propagande. Dans toutes les villes du royaume, il est défendu aux hommes

    Le 12 mai 1791, le club des Amis de l’ordre et de la paix est incendié par les Jacobins, l’incendie dure toute la nuit et une partie de la matinée (procès-verbal du directoire de Milhau, 22 mai 1791).