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LA RÉVOLUTION

Effectivement, telle est la doctrine du parti populaire ; au 14 juillet 1789, aux 5 et 6 octobre, il l’a mise en pratique, et, dans les clubs, dans les journaux, dans l’Assemblée, Loustalot, Camille Desmoulins, Fréron, Danton, Marat, Pétion, Robespierre ne cessent point de la proclamer. Selon eux, local ou central, partout le gouvernement empiète. À quoi nous sert-il d’avoir renversé un despotisme, si nous en instituons un autre ? Nous ne subissons plus l’aristocratie des privilégiés, mais nous subissons « l’aristocratie de nos mandataires[1] ». À Paris déjà, « le corps des citoyens n’est plus rien, la municipalité est tout ». Elle attente à nos droits imprescriptibles quand elle refuse à un district la faculté de révoquer à volonté les cinq élus qui le représentent à l’Hôtel de Ville, quand elle fait des règlements sans les soumettre à la sanction des électeurs, quand elle empêche les citoyens de s’assembler où bon leur semble, quand elle trouble les clubs en plein vent du Palais-Royal : « Le patrouillotisme en chasse le patriotisme » et le maire Bailly « qui se donne une livrée, qui s’applique 110 000 livres de traitement », qui distribue des brevets de capitaine, qui impose aux colporteurs l’obligation d’avoir une plaque, et aux journaux l’obligation de porter une signature, est non seulement un tyran, mais un

  1. Buchez et Roux, III, 324, article de Loustalot, 8 novembre 1789. — Ib., 331, Motion du district des Cordeliers, présidé par Danton. — Ib., 239, Dénonciation de Marat contre la municipalité. — V, 128 ; VI, 24-41 (mars 1790). La majorité des districts réclame la permanence des districts, c’est-à-dire des assemblées politiques souveraines.