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LA RÉVOLUTION


l’emportement sont des devoirs et des mérites. Un jour « la milice de Lorient arrête de se mettre en marche pour Versailles et Paris, sans calculer comment elle fera cette course ni ce qu’elle demandera à son arrivée[1] ». Si le gouvernement central était à portée, ils mettraient tous la main sur lui. Faute de mieux, ils se substituent à lui dans leur territoire, et font avec conviction tous ses offices, principalement ceux de gendarme, de juge et de bourreau.

Au mois d’octobre 1789, à Paris, après l’assassinat du boulanger François, le principal meurtrier, portefaix au port au Blé, déclare « qu’il a voulu venger la nation », et très probablement sa déclaration est sincère : dans son esprit, l’assassinat est l’une des formes du patriotisme, et sa façon de penser ne tardera pas à prévaloir. — En temps ordinaire, dans les cerveaux incultes, les idées sociales et politiques sommeillent à l’état d’antipathies vagues, d’aspirations contenues, de velléités passagères : les voilà qui s’éveillent, énergiques, impérieuses, opiniâtres et débridées. Nulle opposition ou objection ne leur semble tolérable ; pour elles, tout dissentiment est une marque sûre de trahison. — À propos des prêtres insermentés[2], cinq cent vingt-sept gardes

  1. Archives nationales, KK, 1105. Correspondance de M. de Thiard (12 octobre 1789).
  2. Archives nationales, F7, 3250. Procès-verbal du directoire du département, 18 mars 1792. « Comme la fermentation était au plus haut point, et qu’il était à craindre qu’il ne s’ensuivit les plus grands malheurs, M. le président, avec l’accent de la douleur. » déclara qu’il cédait et rendait l’arrêté inconstitutionnel. — Réponse du ministre, 23 juin : « Si les pouvoirs consti-