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LA RÉVOLUTION


« empires le plus fort et le plus durable de leurs remparts ». — Le 28 mai, elle fait jouer, sur deux théâtres et au profit des ouvriers démolisseurs, une pièce qui représente la prise des forts de Marseille. — Cependant elle a appelé les Jacobins de Paris à son aide ; elle a délibéré d’inviter la fédération de Lyon et toutes les municipalités du royaume à dénoncer le ministre ; elle a forcé M. de Miran, menacé de mort et attendu par un guet-apens sur la route, à quitter Aix, puis à demander son rappel[1], et c’est le 6 juin seulement que, sur un ordre exprès de l’Assemblée nationale, elle se décide à suspendre la démolition à peu près finie. — On ne se joue pas plus impudemment des autorités auxquelles on doit obéissance. Mais le but est atteint : il n’y a plus de citadelle les troupes sont par-

  1. Archives nationales, F7, 3196. Lettre de M. de Miran, 5 mai. — Le ton du parti régnant à Marseille est indiqué par plusieurs imprimés joints au dossier, entre autres par une « Requête à Desmoulins, procureur général de la Lanterne ». Il s’agit d’une « écritoire patriotique », récemment fabriquée avec les pierres de la citadelle démolie, et représentant une hydre à quatre têtes, qui sont la noblesse, le clergé, les ministres et les juges. « C’est dans ces quatre crânes patriotiques de l’hydre que doit être puisée l’encre de proscription pour les ennemis de la Constitution. Cette écritoire, taillée dans la première pierre de la démolition du fort Saint-Nicolas, est destinée à l’assemblée patriotique de Marseille. L’art enchanteur du héros de la liberté marseillaise, de ce Renaud qui, sous le masque de la dévotion, surprit la sentinelle bien éveillée de Notre-Dame de la Garde, et décida par son mâle courage et sa ruse la conquête de cette clé du grand foyer de la contre-révolution vient de mettre au jour un nouveau trait de son génie : nouveau Deucalion, il a personnifié cette pierre que la Liberté a fait tomber du haut de nos Bastilles menaçantes, etc. »