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LA CONSTITUTION APPLIQUÉE


gens sans propriété seront admis. « Chaque jour elle ajoute à son appareil militaire[1] ; les retranchements, les barricades de l’hôtel de ville s’accroissent, l’artillerie s’augmente, l’intérieur de la ville est dans l’agitation d’un cantonnement militaire très près de l’ennemi. » Ayant ainsi la force, elle en use, et d’abord contre la justice. — Une insurrection populaire avait été réprimée au mois d’août 1789, et les trois principaux meneurs, Rébecqui, Pascal, Granet, étaient détenus au château d’If. Ce sont des amis de la municipalité ; il faut qu’elle les délivre. À sa demande, l’affaire est retirée des mains du grand prévôt, et remise à la sénéchaussée ; mais, en attendant, le grand prévôt et ses assesseurs seront punis d’avoir fait leur office. De sa propre autorité, la municipalité leur interdit toutes fonctions. Ils sont dénoncés publiquement, menacés de poignards, d’échafauds et de tout genre d’assassinat[2] ». Aucun imprimeur n’ose publier leur justification, par crainte des « vexations municipales ». Bientôt le procureur du roi et l’assesseur en sont réduits à chercher un asile dans le fort Saint-Jean ; le grand prévôt, après avoir tenu un peu plus longtemps, quitte Marseille, afin d’avoir la vie sauve. Quant aux trois détenus, la municipalité les visite en corps, réclame leur liberté provisoire ; l’un d’eux s’étant évadé, elle refuse au commandant l’ordre de le ressaisir ; les

  1. Archives nationalesF7, 3196. Lettres du commandant militaire, M. de Miran, 6, 14, 30 mars 1790.
  2. Archives nationales, F7, 3196. Lettre de M. de Bournissac, grand prévôt, 6 mars 1790.