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LA CONSTITUTION APPLIQUÉE


n’y fait ; le château est envahi ; deux cents ouvriers se mettent à en démolir les fortifications ; la peur n’écoute rien et ne croit pouvoir prendre trop de précautions. Si inoffensives que soient les citadelles, on les tient pour dangereuses ; si accommodants que soient les chefs militaires, on les tient pour suspects. On regimbe contre la bride même lâche et flottante ; on la casse et on la jette à terre, pour qu’à l’occasion aucune main ne puisse la serrer. Chaque municipalité, chaque garde nationale veut régner chez elle, à l’abri de tout contrôle étranger ; c’est là ce qu’elle appelle la liberté. Partant son adversaire est le pouvoir central ; il faut le désarmer, de peur qu’il n’intervienne, et de tous côtés, avec un instinct sûr et persistant, par la prise des forteresses, par le pillage des arsenaux, par la séduction des soldats, par l’expulsion des généraux, la cité assure son omnipotence, en se garantissant d’avance contre toute répression.

À Brest, la municipalité veut qu’on livre au peuple un officier de marine, et, sur le refus du lieutenant du roi, le comité permanent ordonne à la garde nationale de charger ses fusils[1]. À Nantes, la municipalité refuse de reconnaître M. d’Hervilly, envoyé pour commander un camp, et les villes de la province écrivent pour déclarer qu’elles ne souffriront pas sur leur territoire d’autres troupes que leurs fédérés. À Lille, le comité permanent

  1. Buchez et Roux, V, 394 (avril 1790). — Archives nationales. Papiers du Comité des recherches, DXXIX, I (note de M. de la Tour-du-Pin, 28 octobre 1789). — Buchez et Roux, IV, 3 (1er  décembre 1789) ; IV, 390 (février 1790) ; VI, 179 (avril et mai 1790).