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LA RÉVOLUTION


« de la justice, sur les amendes et confiscations, sur le régime des gardes nationales ». C’est un Solon de province, zélé pour le bien public et homme d’exécution. En chaire il explique ses ordonnances et menace les récalcitrants. À la maison de ville, il décrète et juge. Hors de la ville, à la tête de la garde nationale et sabre en main, il va prêter main-forte à ses arrêtés. Il fait décider que, sur un ordre écrit du comité, tout citoyen pourra être emprisonné. Il établit et perçoit des octrois, il fait abattre des murs de clôture, il va chez les cultivateurs lever des réquisitions de grains, il saisit les convois de ceux qui n’ont pas déposé leur quote-part dans son grenier d’abondance. Un matin, précédé d’un tambour, il se transporte hors des murs, y proclame « ses lois agraires », procède sur-le-champ au partage, et s’adjuge lui-même une part de territoire à titre d’ancien bien communal ou curial : le tout publiquement, en conscience, appelant notaire et tabellion pour dresser procès-verbal de ses actes, persuadé que, la société humaine ayant cessé, chaque groupe local a le droit de la recommencer à sa guise et de pratiquer, sans en référer à personne, la constitution qu’il s’est donnée. — Sans doute celui-ci parle trop haut, va trop vite, et le bailliage, puis le Châtelet, puis l’Assemblée nationale arrêtent provisoirement ses entreprises. Mais son principe est populaire, et les quarante mille communes de France vont agir comme autant de républiques distinctes sous les réprimandes sentimentales et de plus en plus vaines du pouvoir central.

C’est que maintenant les hommes, agités et redressés