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LA CONSTITUTION APPLIQUÉE


« soixante mille assemblées constitutionnelles ; que rien ne peut mettre un citoyen à l’abri des vexations de ces corps populaires ; que, suivant l’opinion qu’ils se font des choses et des personnes, ils agissent dans un endroit d’une façon et dans un autre d’une autre… Ici, c’est un département qui, de son chef et sans en référer, met un embargo sur les navires ; là, un autre département qui ordonne l’expulsion d’un détachement militaire nécessaire à la sûreté des lieux dévastés par les brigands, et un ministre qui répond aux réclamations des intéressés : le Département le veut. Ailleurs, ce sont des corps administratifs qui, à l’instant où l’Assemblée nationale décrète le repos des consciences et la liberté des prêtres non assermentés, les chassent tous de leur domicile en vingt-quatre heures. Toujours en avant ou en arrière des lois, alternativement audacieux ou pusillanimes, osant tout lorsque la licence publique les seconde et n’osant rien faire pour la réprimer, se hâtant d’abuser de leur autorité du moment contre les faibles pour se faire des titres à venir de popularité, ne sachant maintenir l’ordre qu’au prix de la tranquillité et de la sûreté publiques, embarrassés dans les rênes de leur administration nouvelle et compliquée, joignant la fougue des passions à l’incapacité et à l’inexpérience : tels sont, en grande partie, ces hommes sortis du néant, vides d’idées et ivres de prétentions, sur lesquels reposent maintenant le soin de la force et de la richesse publiques, l’intérêt de la sûreté et les bases de la puissance du gouvernement. Dans