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LA RÉVOLUTION


on ne s’aperçoit pas qu’ils sont des pantins, on prend pour des paroles du cœur les périodes apprises que l’on met dans leur bouche. — À Besançon, au retour des fédérés, des centaines de « jeunes citoyens[1] », âgés de douze à quatorze ans, en uniforme national, « le sabre à la main », viennent au-devant de l’étendard de la liberté. Trois fillettes de onze à treize ans, deux garçonnets de neuf ans prononcent chacun « un discours plein de feu et ne respirant que le patriotisme » ; puis une demoiselle de quatorze ans, élevant la voix et montrant le drapeau, harangue tour à tour l’assemblée, les députés, la garde nationale, le maire, le commandant des troupes, et la scène finit par un bal. C’est là le finale universel : partout hommes et femmes, enfants et adultes, gens du peuple et gens du monde, chefs et subordonnés, tous se trémoussent comme dans une pastorale de théâtre au dernier acte. — À Paris, écrit un témoin oculaire, « j’ai vu des chevaliers de Saint-Louis et des aumôniers danser dans la rue avec les individus de leur département[2] ». Au Champ-de-Mars, le jour de la Fédération, malgré la pluie qui tombe à flots, « les premiers arrivés commencent à danser ; ceux qui suivent se joignent à eux et forment une ronde qui embrasse bientôt une partie du Champ-de-Mars… trois cent mille spectateurs battaient la mesure avec les mains ». Les jours suivants, au Champ-de-Mars et dans les rues, on danse encore, on boit, on chante ;

  1. Sauzay, I, 202.
  2. Albert Babeau, ib., I, 339. — Ferrières, II, 92.