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LA RÉVOLUTION


sant, présent, qui trouve le loisir et qui a la volonté de s’en charger. Dans un régime où toutes les places sont électives et où les élections sont fréquentes, la politique devient une carrière pour ceux qui lui subordonnent leurs intérêts privés ou y trouvent leur avantage personnel ; il y en a cinq ou six dans chaque village, vingt ou trente dans chaque bourg, quelques centaines dans chaque ville, quelques milliers à Paris[1]. Voilà les vrais citoyens actifs. Eux seuls donnent tout leur temps et toute leur attention aux affaires publiques, correspondent avec les journaux et avec les députés de Paris, reçoivent et colportent sur chaque grande question le mot d’ordre, tiennent des conciliabules, provoquent des réunions, font des motions, rédigent des adresses, surveillent, gourmandent, ou dénoncent les magistrats locaux, se forment en comités, lancent et patronnent des candidatures, vont dans les faubourgs et dans les campagnes pour recruter des voix. — En récompense de ce travail, ils ont la puissance ; car ils mènent les élections et sont élus aux offices ou pourvus de places par leurs candidats élus. Il y a un nombre prodigieux de ces offices et de ces places, non seulement celles d’officiers de la garde nationale et d’administrateurs de la commune, du district ou du département, qui sont gratuites ou peu s’en faut, mais quantité d’autres qui sont payées[2] ; 83 d’évêques, 750 de députés, 400 de juges au criminel, 3700 de

  1. Pour le détail de ces chiffres, voir la Conquête jacobine, tome VI, livre VI.
  2. Ferrières, I, 367. Cf. les diverses lois ci-dessus.