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L’ASSEMBLÉE CONSTITUANTE ET SON ŒUVRE


du moulin, le moindre métayer, tout villageois propriétaire d’une chaumière ou d’un carré de légumes, l’ouvrier ordinaire vote aux assemblées primaires et peut devenir officier municipal. De plus, s’il paye dix francs par an de contribution directe, s’il est fermier ou métayer d’un bien qui rapporte quatre cents livres, si son loyer est de cent à cent cinquante francs, il peut être électeur élu, administrateur de district et de département. À ce taux les éligibles sont innombrables : dans le Doubs, en 1790[1], ils forment les deux tiers des citoyens actifs. Ainsi, à tous ou presque à tous, le chemin de tous les offices est ouvert, et la loi n’a pris aucune précaution pour en réserver ou en ménager l’entrée à l’élite qui pourrait le mieux les remplir. Au contraire, dans la pratique, nobles, dignitaires ecclésiastiques, parlementaires, grands fonctionnaires de l’ancien régime, haute bourgeoisie, presque tous les gens riches qui ont des loisirs sont exclus des élections par la violence, et des places par l’opinion ; bientôt ils se cantonnent dans la vie privée, et, par découragement ou dégoût, par scrupules monarchiques ou religieux, ils renoncent à la vie publique. — Par suite tout le faix des fonctions nouvelles retombe sur les plus occupés, négociants, industriels, gens de loi, employés, boutiquiers, artisans, cultivateurs. Ce sont eux qui doivent donner un tiers de leur temps déjà tout pris, négliger leur besogne privée pour un travail public, quitter leur moisson, leur établi, leur échoppe ou leurs dossiers, pour escorter des

  1. Sauzay, I, 191 (21 711 éligibles sur 32 288 citoyens inscrits).


  la révolution. ii.
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